Cet ouvrage fait partie de la catégorie des « non je ne vais pas dormir et je lis encore un chapitre »… J’aurai aimé le lire d’une traite, et le poser pour quelques heures m’a coûté quelques soupirs.
Dés la page 16, l’auteur me plonge dans l’action. Une action qui me tient accroché tout au long de ma lecture, sans me laisser une seconde de répit. Le ton est dynamique, les actes sont crédibles, les descriptions impitoyables. J’ai été plongé dans des scènes d’un réalisme palpable, à un tel point que je me suis sentit obligé de vérifier la date de péremption de mes caisses de nourriture lyophilisée. Au cas où…
Voyons le récit…
La malédiction de Cassandre a toujours frappé les visionnaires : ils prédisent l’avenir, mais jamais personne ne les croit.
Ainsi en est-il de Franx, héros de ce livre, bafoué, moqué, trahi, méprisé, qui annonce la fin de ce monde, et l’avènement d’une nouvelle ère après l’observation d’une décennie de bouleversements géologiques et climatiques et l’étude de textes anciens.
Franx a eu l’incroyable énergie de réaliser son rêve de fou en construisant avec l’aide d’une petite communauté une véritable forteresse dans le fin fond du Périgord noir, au lieu-dit le « Feu de Dieu ». Une forteresse destinée à les protéger durant la décennie (prédisait-il) que durerait les cataclysme climatiques et géologiques.
Mais qui, à l’exception de Franx avec son caractère bien trempé et son intransigeance, pourrait durablement croire à l’extinction potentielle de l’espèce humaine ?
C’est au moment où la petite communauté se désagrège de l’intérieur et quitte le « Feu de Dieu » que le « Grand Bouleversement » finit par arriver, si promptement que Franx n’a même pas le temps de dire aux incroyants, aux sceptiques et aux persifleurs : « Vous voyez, je vous l’avais bien dit ! « .
L’auteur se concentre sur deux destins, qui évoluent en parallèle.
D’une part, le voyage apocalyptique et dantesque de Franx pour rejoindre sa famille terrée au « Feu de Dieu ». Cinq cent bornes à pied au milieu d’un paysage ravagé et d’orgueilleuses cités millénaires englouties. Une marche harassante dans le blizzard, aggravée par la nuit perpétuelle et les pluies de cendre. Un combat inégal contre la faim, l’épuisement, le découragement, et le froid mordant jusqu’à l’os. Une lutte de chaque instant contre soi-même, contre les éléments et contre tous les autres survivants. Pour survivre et avancer, Franx doit abandonner toute émotion, toute compassion. Se faire plus dur que le roc. Ou peut-être justement pas ?
D’autre part, au « Feu de Dieu », nous assistons à un huis-clos malsain et étouffant où la famille de Franx se protège tant bien que mal du froid et des agresseurs, et cherche à se libérer de la tyrannie de Jim aux « doigts tentaculaires », que le fils de Franx a surnommé « le grax ». On assiste aussi à la transformation de Zoé, la petite fille de 12 ans qui devient une femme peu à peu avec un changement dans son corps sur lequel lorgne le prédateur pour en faire une proie.
Pourtant, malgré cette atmosphère oppressante, cet épuisement des corps et des âmes tellement palpables, ce fatalisme mortifère, il existe toujours un peu d’amour et d’humanité qui permet à nos héros si malmenés de poursuivre leur chemin, de chercher à survivre, vaille que vaille.
On entrevoit, de temps à autre, dans une fugace éclaircie une espérance nouvelle pour l’humanité, et c’est tout le talent de Pierre Bordage que d’avoir confié les clefs de ce monde dantesque aux deux êtres les plus fragiles, les plus innocents et les plus démunis de cette sombre histoire.
J’ai trouvé ce livre beau, mais beau teinté d’une noirceur sidérale, d’une violence pure, mais aussi plein d’espérance. Il m’a tenu en haleine jusqu’au bout.